Après un bilan très mitigé de la COP28 en fin d’année 2023, je propose de commencer l’année 2024 sur une note plus réjouissante.
Peut-être avez-vous entendu parler de Pontevedra ? Une ville de 83000 habitantsUne ville de taille moyenne comparable à celle d’Avignon, de Poitiers ou de Calais en Galice au nord-ouest de l’Espagne. Une ville sans histoire… mais qui fait parler d’elle. Car, depuis plus de 20 ans, sa municipalité œuvre sans relâche à l’application d’une politique urbaine axée sur la piétonisation, l’accessibilité et la durabilité. Quelques fois qualifié de projet « un peu fou », il s’agit en réalité de l’exemple même d’une transformation sociale et écologique réussie.
Tout commence en 1999, quand Miguel Ángel Fernández Lores se présente comme candidat à la mairie de Pontevedra avec pour programme la réduction drastique des embouteillages et de la pollution dans la ville. Sa motivation était de « permettre à la population de reprendre possession des espaces publics envahis par les véhicules automobile particuliers. » (1). Le point de départ a été un changement de paradigme, sans exclure personne (bien au contraire même) et avec un inversement complet des priorités : d’abord les piétons, ensuite les vélos, puis les transports en communs, les véhicules de services et de chargement, et enfin les voitures et motos privés (2).
Parmi les mesures phares :
- Interdiction de transiter par l’hyper centre avec mise en place de voies de détournement (sauf pour les résidents et véhicules de service)
- Réduction de la vitesse à 30 km/h, et 10 km/h dans le centre historique
- Suppression de places de stationnement au profit de parkings gratuits pendant 24 heures se situant à 15 minutes à pied maximum du centre ville et de parkings payants plus éloignés
- Pour les places de parking restantes du centre ville, le temps de stationnement est limité à 15 minutes
- Réadaptation de la route et des trottoirs, notamment pour faciliter la circulation des personnes à mobilité réduite
- Réaménagement des espaces publics avec plus de végétation, des aires de jeux, de repos et de convivialité
- Interdiction aux grandes surfaces de s’installer autour de la ville pour redynamiser le centre ville et encourager le commerce local
20 ans plus tard, les résultats sont sans appel :
- Une sécurité routière qui s’est nettement améliorée : une diminution de 90% des accidents mortels de la route entre les décennies 1997-2006 et 2007-2017 (ref 2, p. 42)
- Une perception de la qualité de l’air meilleure (pas d’étude quantitative connue à ce jour)
- La réduction du trafic et de la vitesse maximale autorisée se traduit par beaucoup moins de temps perdu dans les embouteillages et par une augmentation de la vitesse moyenne ! (ref 2, p. 173, tableau 3)
- Une réduction des émissions de CO2 d’environ 65% (ref 2, p. 174, tableau 5)
- On voit des personnes en fauteuil roulant circuler dans la ville (ref 4)
- Une augmentation du chiffre d’affaire des commerces de proximité (ref 4)
- Une augmentation sensible du nombre d’habitants au cours de la décennie 2001-2010 (ref 5)
- Et le coût de la vie est resté abordable… Ça peut paraitre fou, mais à Pontevedra, il est encore possible de louer un appartement de 100 m² en centre ville pour 500€/mois !
En résumé…
Tout ne s’est pas fait d’un coup d’un seul, et bien évidemment il y avait des contestations au début, notamment des commerçants du centre ville qui craignaient de perdre des clients (majoritairement de passage avec leur voiture). Mais le maire de Pontevedra ne s’est pas contenté de restreindre drastiquement l’accès de la ville aux voitures. Sa politique s’accompagne de mesures connexes pour le commerce de proximité, les transports publics, l’aménagement des espaces publics, la facilité de circulation pour les personnes à mobilité réduite… Il a mis en œuvre une politique globale bénéfique d’un point de vue écologique et sociale, et aujourd’hui la population en est très satisfaite, y compris les commerçants. Et pour preuve, le maire a toujours été réélu depuis ; il en est à sont 6è mandat.
Concilier les enjeux environnementaux, de sécurité et de bien-être humain avec les préoccupations d’inclusion et de justice sociale est probablement ce qui a conduit à l’acceptabilité politique et à la réussite de ce projet, et qui fait que cette ville est aujourd’hui considérée comme un modèle à suivre dans le monde entier (tout du moins à une échelle comparable). Elle a été récompensée par de nombreux prix depuis deux décennies dont le prix européen Intermodes en 2013 décerné aux meilleures politiques de mobilité urbaine, le prix ONU-Habitat en 2014 qui récompense le développement de villes écologiquement durables et le prix européen pour la sécurité routière en milieu urbain en 2020.
BON À SAVOIR
Aujourd’hui, les villes et leur périphérie abritent plus de 55% de la population mondiale, un chiffre qui n’était que de 35% en 1960 et qui devrait passer à plus de 65 % d’ici 2050 (selon les estimations de l’ONU, Source: https://www.un.org/fr/desa/world-urbanization-prospects). 2/3 des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale proviennent des zones urbaines (des transports, de la consommation d’électricité, de biens et de services). Les villes présentent également des potentiels de vulnérabilité très élevée aux impacts du changement climatique en raison de leur forte concentration de personnes, de la pollution (accentuant les problèmes cardiovasculaire et pulmonaires), de la suppression des espaces naturels (servant d’îlots de fraicheur pendant les canicules), des conditions de logement non réglementaires parfois insalubres,… Le phénomène d’îlot de chaleur urbainle fait que les zones urbaines soient plus chaudes – de plusieurs degrés – que les zones rurales environnantes, en particulier la nuit , par exemple, est un facteur d’aggravation de vulnérabilité des villes en cas de vague de chaleur, en particulier pour les personnes les plus fragiles (personnes âgées, jeunes enfants, femmes enceintes, personnes malades). Les villes jouent donc un rôle crucial dans la mise en œuvre de politiques climat, aussi bien en faveur de l’atténuation que de l’adaptation aux impacts négatifs du changement climatique.
Sources et liens
(1) La Santé en Action, mars 2022, n°459, « l’urbanisme au service de la santé », p. 38-39. En ligne : https://www.santepubliquefrance.fr/docs/la-sante-en-action-mars-2022-n-459-l-urbanisme-au-service-de-la-sante
(2) « Primero la ciudad. La mobilidad in Pontevedra 1999‑2019 », 2019, 223 p. En ligne : https://360.pontevedra.gal/publicacions/primero-la-ciudad/files/assets/common/downloads/PRIMERO%20LA%20CIUDAD.pdf?uni=5e0f5bcd9d821192aa5750797351b158
(3) Brochure (en anglais) “Pontevedra Better on foot”. En ligne : https://rue-avenir.ch/wp-content/uploads/files/resources/Pontevedra-better-on-foot.pdf
(4) « Pontevedra, une ville sans voitures ». France 2, « Envoyé spécial » du jeudi 17 juin 2021. En ligne: https://www.francetvinfo.fr/meteo/particules-fines/video-pontevedra-une-ville-sans-voiture_4664591.html
(5) « Pontevedra », Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pontevedra
